Dérivée de la philosophie analytique, la méthodologie de Benjamin Efrati adopte une dialectique aberrante : issues de remises en cause traditionnelles de la vérité (visions insaisissables de Lautréamont en tête, mouvements d’avant garde du 20ème siècle, fous littéraires comme Jean-Pierre Brisset…), ses conférences associent des définitions de concepts tangibles à celles de phénomènes courants mais jusque là injustifiés (la beauté et la notion de « chou » ; la déraison et la politique d’interdiction du tabac…). Dans des leçons distordues, les erreurs logiques et linguistiques constituent des règles passagèrement indispensables.
Cette pédagogie s’élabore plus volontiers au sein du collectif, en l’occurrence Miracle, dont il est un des fondateur. Dans un projet de recherche de 2013 intitulé Théorie de la dissolution, Gallien Déjean explique : « La pratique collective, entend-on, est l’espace idéal où perdurent les éléments essentiels de la radicalité avant-gardiste : dissolution de la posture autoritaire de l’auteur et du fétichisme de l’œuvre d’art au profit d’un engagement politique et sociétal (une position incarnée par l’I.S.) ; création d’une identité alternative qui subvertit la figure traditionnelle de l’artiste et les institutions qui l’encadrent en s’appuyant sur une stratégie ironique qui endosse les attributs de la structure entrepreneuriale. ». Benjamin Efrati lance en effet l’impulsion d’un mouvement alternatif avec Miracle, qui présente d’ailleurs les caractéristiques reconnaissables de cette construction identitaire conjointe : utilisation d’un champ lexical propre, abondance iconographique, expérimentations musicales, organisation d’événements plus ou moins légaux etc. La pluralité de propositions permet au groupe de justifier efficacement de l’insolence esthétique de leurs projets, entre autres subversions. Et comme modalités, Miracle choisit précisément les pratiques prescrites par les situationnistes : les comics (bande déssinée), le détournement des supports de communication, le film. Comme l’IS à son époque, Benjamin Efrati fait pourtant preuve d’une méfiance envers la production collective du 20 ème siècle « composé de mouvements qui essayent sans cesse de rejouer dada », quand René Vienet proposait en 1967 à ses camarades : « que nous complétions l’expression de notre contestation par des moyens qui se passent de toute référence au passé. Il ne s’agit pas pour autant d’abandonner des formes (…) sur le terrain traditionnel du dépassement de la philosophie, de la réalisation de l’art, et de l’abolition de la politique ; il s’agit de parachever le travail de la revue, là où elle n’est pas encore opérante. » Car, pour revenir à son origine, l’intention de Benjamin Efrati n’est pas tant de soulever les masses contre quelques injustices, mais bien de renouveler une sémantique adaptée à notre environnement. Toute son œuvre s’intéresse aux dérives du langage, dès lors, afin de créer un accueil populaire et chaleureux aux formes savantes de l’élite underground.
Olga Rozenblum, Catalogue du Salon de Montrouge 2014
Dans les leçons distordues de Benjamin Efrati, les erreurs logiques et linguistiques constituent des règles passagèrement indispensables à la définition des thèmes de ses conférences. Il lance l’impulsion d’un mouvement alternatif avec son collectif Miracle, afin de renouveler une sémantique adaptée à notre environnement.
Olga Rozenblum, Catalogue du Salon de Montrouge 2014