Cheikh Efrita

Cheikh Efrita tient son inspiration de Cheikh El Afrit, pseudonyme d’Issirène Israël Rozio. Le nom d’artiste de ce chanteur tunisien évoque une sorte de « Monsieur démon» à la voix si belle qu’elle semble venir d’un autre monde. Benjamin Efrati s’initie dès 2008 aux musiques tunisiennes anciennes et populaires, et lorsqu’il découvre l’existence de Cheikh El Afrit en 2018, il commence à composer les premiers morceaux qui deviendront le projet Cheikh Efrita.

L’album éponyme  « Cheikh Efrita » est bâti sur la tension entre sonorités orientales et textures synthétiques, fusionnant musiques maghrébines et cultures électroniques, créant un style musical syncopé et psychédélique. Cheikh Efrita réinvente un répertoire musical tunisien centenaire qu’il projette dans le présent grâce à une palette stylistique allant du Breakbeat au Footwork, de l’IDM  à l’Hyperpop  en passant par le Post-Club. Il compose à partir de musiques d’archives tunisiennes des années 1920-1950, et rend hommage à 7 artistes, pour la plupart de célèbres chanteuses : Cheikh El Afrit, Habiba Msika, sa tante Leila Sfez, Saliha, Louisa Tounsia,  Fritna Darmon, et l’ensemble Bnat Chemama. Ainsi réinterprétés, ces morceaux proposent une surprenante diversité rythmique et harmonique. Ils font émerger des motifs et des tensions nouvelles, à partir de propriétés sonores inhérentes à la qualité même des archives, dans un esprit d’expérimentation musicale vibrante et sensible

Les morceaux de l’album « Cheikh Efrita » parlent d’amour, de nostalgie, de joie, de chagrins : par exemple, le titre revisité de Habiba Msika, Ala Srir Ennoum Dalaâni, s’inscrit dans  la révolution féministe déjà en marche dans la Tunisie des années 1920. Personnalité la plus complexe de l’album, c’est son portrait revu par Baladi qui figure en couverture de l’album. La chanson Ya Hasra, de Cheikh El Afrit, sous couvert d’une locution nostalgique, est une satire mordante de l’existence en couple, qui conclut méchamment:  « la vieillesse ne se soigne jamais ».

En recomposant ces morceaux à l’aide d’outils résolument paléo-futuristes, et en déconstruisant les codes de l’électro par le recours à l’archive, l’album télescope une vision contemporaine de la fête avec l’ambiance déchaînée des concerts de la Tunisie des années folles telle que l’on peut se l’imaginer à partir de sources écrites.

Après une première tournée en 2023 (Belgique, France, Chine), la sortie de « Cheikh Efrita » sera l’occasion de nouveaux concerts en 2024, notamment en Tunisie, en France, en Suisse et en Turquie.

Alex Baladi, auteur de bande dessinée majeur de la scène indépendante suisse, vit entre Berlin et Genève.  Découvert par Cheikh Efrita dans la bibliothèque d’un proche autour de 2001, il a accepté de concevoir le livret de l’album. D’origine libanaise par son père et suisse par sa mère, il entretient un rapport particulier aux représentations de l’orient. Il est l’auteur d’une production de plus de 60 ouvrages dont Frankenstein encore et toujours (2001) et Un monde en pleine mutation (2024), tous deux publiés aux éditions Atrabile. Membre fondateur de la Fabrique de Fanzines, il a notamment été rédacteur en chef de la revue du collectif libanais Samandal pour l’ouvrage Expérimentation et lauréat du prix de la bande dessinée alternative du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2019. 

A l’image de Cheikh Efrita qui réinvente un répertoire musical tunisien centenaire qu’il projette dans le présent, les récits mis en image par Baladi s’inspirent volontiers d’œuvres littéraires ou théâtrales, et donnent une place de choix à l’expérimentation sensible. 
Partant de la pochette d’un double vinyle pour apprendre l’hébreu de sa propre collection et inspiré par l’univers de Cheikh Efrita, Alex Baladi propose un livret à dix faces en lieu de couverture d’album. A travers le collage, il assemble des fragments de motifs ornementaux et des dessins réalisés sur du papier de couleur jaune pâle des différents artistes qui ont inspiré Cheikh Efrita. Dans une ambiance mélancolique et mystérieuse, le livret se fait le reflet de la musique, elle s’échappe du gramophone, les phylactères vaporeux symbolisent le chant. Alex Baladi revisite les portraits des chanteuses et chanteurs à l’origine de l’inspiration de Cheikh Efrita, dont Habiba Msika en couverture du livret, Cheikh El Afrit ou la magnétique Saliha.